Ico,
ou la quête de la liberté et la force de la solidarité
Incarnant
Ico, un jeune garçon né avec des cornes et enfermé dans une forteresse pour ce
seul motif d'être différent, le joueur aura pour but de s'évader de cette
prison en compagnie de Yorda, une jeune fille pâle, craintive et illuminée
qu'il devra aider tout au long du chemin. Outre le thème évident du rejet de
l'autre par peur de sa différence, Ico soulève celui de la liberté accessible à
chacun, dès lors qu'il s'en donne les moyens et franchit le pas. La porte qui
nous retient prisonnier d'une condition est forcément entrebâillée, il suffit
de la pousser et surtout, d'y croire. Nous sommes maîtres de notre destin,
comme le souligne le fameux poème Invictus.
On
peut également voir une analogie avec la dépression dans l'expérience vécue par
Yorda au sein de cette forteresse. Prison obscure, froide, immense et balayée
de silence dans laquelle tout un chacun peut se retrouver coincé un jour, le
terrain de jeu de Ico peut être perçu comme le labyrinthe des pensées noires
qui nous retiennent et nous effraient. Comme ces ombres qui s'agglutinent
autour de la chétive Yorda et l'agrippent pour mieux l'attirer vers le fond.
Ombres qui sont également le reflet des peurs, de la fragilité, du désespoir et
des illusions qu'un esprit torturé peut se créer tout seul.
La
lumière n'est peut-être pas si loin, et quand on se retrouve seul face à ses
démons et que l'on manque d'armes pour les combattre, qu'avons-nous à perdre à
saisir la main tendue par autrui ? Plus courageux et plus lucide pour
trouver le chemin, le bienfaiteur que représente Ico sait qu'on est toujours
plus fort à deux. Se rapprochant de Yorda car il partage avec elle la
différence, l'envie d'évasion et l'oppression, il est le mieux placé pour la
comprendre. La secourant des ennemis à l'aide de son courage et de sa volonté,
il reçoit en retour l'aide de ses pouvoirs pour débloquer certaines portes. Ne
parlant pas la même langue, Ico et Yorda utilisent les gestes, les émotions et
vont au-delà des mots pour explorer le langage universel de l'amitié. Et ils se
font la promesse implicite de se retrouver. L'important est d'être présent l'un
pour l'autre.
Shadow
of the Colossus, ou une réflexion sur le bien-fondé de nos actes
Monté
sur son cheval Agro, le jeune Wander se rend dans un sanctuaire situé au milieu
d'une vaste terre abandonnée, dans le but de passer un pacte avec une entité
mystérieuse nommée Dormin. En échange de la mort de seize colosses contenant
les parties de son pouvoir déchu, elle promet à Wander la résurrection de son
amie Mono. Partageant avec Yorda la couleur blanche, cette femme se révèle bien
être le seul humain vraiment innocent de cette histoire. En effet, la quête de
Wander parait rapidement égoïste, quand le premier colosse abattu tombe, suggérant
la souffrance, la peine, la compassion et surtout le sentiment d'avoir violé
quelque chose de sacré. D'innocent. Pour sauver la fille qu'il aime, Wander
est-il prêt à tuer un être vivant qui ne lui a rien fait ? A oublier ses
principes ?
Surtout,
au fur et à mesure des affrontements, ce sentiment de culpabilité s'estompe et
laisse place à l'émerveillement suscité par la rencontre de ces colosses
majestueux. Et au respect. Le joueur se donne-t-il bonne conscience ?
Toujours est-il que chaque nouvelle rencontre devient un défi, que l'on doit
résoudre avec les mêmes armes que pour le précédent. On se prend au jeu de se
surpasser pour trouver le point faible de la bête, et on en oublie le côté
moral de notre quête qui se révèle tout sauf manichéenne. Ou alors faut-il y
voir un hymne à l'amour et au courage. A condition de le vouloir, on peut
renverser une montagne.
Le
soft suscite la réflexion dans les longues phases à cheval pour rejoindre le
colosse à abattre. Les décors vides et immenses sont là pour nous donner le
temps de penser à nos actes et de douter, comme quand on se retrouve en méditation,
seul face à nous-mêmes. Le silence instaure la réflexion. On ne peut rien faire
d'autre que cela en fin de compte. Avec pour seul guide cette lumière à la pointe
de notre épée nous indiquant le chemin à suivre, on se rend vite compte que
nous n'avons pas le choix et que l'on manque complètement de liberté, une fois
ce pacte scellé. Conséquence du choix de Wander, et qui n'est pas celui du
joueur humain. La seule décision que ce dernier peut prendre, ce n'est de ne
pas continuer son chemin. Et devant cette réflexion, il est seul, comme le
suggère cette gigantesque terre inhabitée et silencieuse.
Okami,
ou une ode à Dame Nature
Certainement
moins axé psychologie, le soft de feu Clover est avant tout un hymne à la
nature. La louve-déesse Amaterasu est tirée de son sommeil millénaire dans le
but de contrecarrer les plans du dragon-démon Orochi qui a commencé à répandre
les ténèbres sur la terre du Nippon mythique. A l'aide de pouvoirs célestes,
elle va tenter de faire renaître la nature partout où elle est en danger. Mais
on se rend compte que le soft essaie plutôt de nous faire comprendre que cette
dernière est au final plus utile que les divinités. Tout est interdépendant, dans
l'obscurité comme dans la renaissance. Chaque espèce peut apporter à l'autre.
Un arbre fleurit, et c'est un homme qui sourit. Et il en va de même quand tout
va mal, une nature bafouée et c'est tout un système qui s'écroule.
Quelque
soit le type de relief, quelle que soit l'espèce, ils ont besoin d'être
protégés et respectés car chacun est important. Quand Amaterasu nourrit un
lapin, elle reçoit en retour des louanges, qui valent pour bonus dans son
évolution, lui permettant de mieux affronter les prochaines échéances. La
renaissance n'est jamais bien loin, et chaque acte, même le plus insignifiant
en apparence, a son importance. Un simple geste peut accomplir de grandes
choses ; un rond dessiné dans le ciel et c'est le soleil qui se
lève ; un point placé sur la terre et c'est une fleur qui éclot. La
renaissance n'est jamais bien loin et l'émerveillement est tout proche. Il
suffit d'ouvrir les yeux.
Servi
par une réalisation en cell-shading de toute beauté, Okami invite le joueur à
parcourir un monde plein de diversité. Diversité d'espèces, de reliefs et de
couleurs. Et si le principal outil mis à disposition du joueur est ce pinceau à
l'encre de Chine qui lui permet de faire appel aux pouvoirs des divinités, le
seul et authentique artiste reste la nature. Dans toute sa splendeur, sa
complexité, sa générosité et sa fragilité. Et la protéger n'en demande
peut-être pas tellement à tout un chacun.